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Regina MINGOTTI

1728 – 1807

Aussi [Regina Valentini] [Valentini Mingotti]

Regina Valentini est fille d'un officier allemand au service de l'Autriche, à Naples. Son père est appelé en Silésie alors que Régina est encore très jeune, mais décède soudainement. C'est donc au couvent que Regina grandit et reçoit une première éducaRegina Mintottition musicale, à Graz.
Elle en sort à quatorze ans pour rejoindre sa mère – sans doute à Dresde – mais la mésentente entre les deux femmes pousse Regina à gagner une certaine indépendance en épousant l'impresario Pietro Mingotti, nettement plus âgé qu'elle, ce qui n'était assurément pas un mariage d'amour.
À la tête d'une des troupes itinérantes les plus célèbres d'Europe centrale, celui-ci perçoit bien le potentiel vocal de Regina et la confie aux bons soins du meilleur maître de chant de l'époque et chef de file de l'école napolitaine, Niccolò Porpora. Elle s'illustre ainsi directement comme prima donna lorsque la troupe fait étape à Hambourg où elle débute en 1743, notamment dans Semiramide riconosciuta de Scalabrini et al. aux côtés du soprano Finazzi.

Le vieux Porpora parvient à développer tous les talents de Regina Mingotti, et c'est en cantatrice accomplie qu'elle se produit à Dresde à l'occasion du double mariage unissant la Saxe et la Bavière en 1747, dans la Didone de Scalabrini. Outre cet obscure compositeur, ses partenaires dans la troupe des Mingotti sont la Turcotti (en fin de carrière), la contralto Forcellini ou le ténor Canini. Cette même équipe y donne également Demetrio du même auteur, puis Le Nozze d'Ercole ed Ebe du jeune Gluck.

Le succès retentissant de la Mingotti lui vaut un engagement à la cour, où elle retrouve Porpora. Hasse et son épouse, la célébre Faustina Bordoni, y sont installés depuis longtemps et voient d'un mauvais œil le succès des nouveaux arrivants. Porpora et son élève menacent l'hégémonie des Hasse sur la ville, et la tension entre les cantatrices transparaît dans de nombreuses anecdotes. Les cantatrices partagent la scène dans le Filandro de Porpora offert pour l'anniversaire de Maria Antonia Walpurgis, opéra dans lequel Regina s'impose d'emblée comme la fraîche rivale d'une Faustina vieillissante.
Castil-Blaze raconte une anecdote qui traduit les tensions de l'époque :
C'était en 1748, Hasse écrivait alors son Demofonte [sic]. Ce maître avait remarqué le fort et le faible de la voix de Mme Mingotti. Le malicieux compositeur imagina de donner à cette cantatrice un adagio qui naviguait dans les notes peu sonores de son organe, et pour montrer au grand jour ces défauts, il n'accompagna l'insidieux adagio qu'avec un pizzicato de violons. Regina fut obligée d'accepter le défi sans réclamation, mais elle avait découvert la ruse, le piège, elle travailla son adagio de telle sorte, tourna l'écueil avec une telle adresse que la victoire lui resta. L'air Se tutti i mali miei, disposé tout exprès pour mettre la virtuose en péril et ruiner sa réputation, fut couvert d'applaudissements, et Faustina elle-même, réduite au silence, n'osa se permettre un seul mot de critique.
Dans Achille in Sciro de Caldara, repris pour les deux cantatrices, Mingotti est prima donna en Deidamia, et la Bordoni prend celui de primo uomo, incarnant Achille déguisé en femme. Bordoni tente d'intervenir auprès du célèbre Métastase afin qu'il modifie le livret de manière à ne pas présenter Achille trop soumis à son aimée Deidamia ! Les sopranos chantent encore dans Attilio Regolo et Adriano in Siria de Hasse. La lutte est vaine ; Hasse parvient à assurer sa place vis-à-vis de Porpora, la Bordoni se retire de la scène en 1751, et Regina Mingotti est remerciée après une saison comme prima donna, occasion de reprendre Ipermestra et de créer Adriano in Siria.

Elle se rend alors à Madrid, sur invitation de Farinelli, et précédée d'une renommée déjà impressionnante. Elle y rejoint Manzuoli, Panzacchi et Teresa Castellini pour incarner le rôle titre de Didone abbandonata de Galuppi. Pour l'occasion, l'illustre Metastasio a bien voulu revoir son livret, à la demande de son ami Farinelli. En 1753, elle chante Semiramide riconosciuta de Jommelli avec les castrats Elisi, Cornaggia et Veroli. Le succès de la Mingotti est extraordinaire et sa légende soigneusement entretenue : Farinelli lui aurait interdit de se produire en public ailleurs qu'au théâtre, ni même de répéter dans une pièce donnant sur la rue ! On dit qu'une telle rigueur déplaît à la cantatrice, qui repart après deux années pour Londres, via Paris.

Les chanteurs de l'opéra italien à Londres sont alors plutôt médiocres ; arrivée en 1754, Mingotti est la seule dont les airs de Giardini insérés dans le pasticcio Alessandro nell'Indie de 1756 sont publiés. Elle se produit dans les opéras de Hasse, comme Ipermestra, Il Re pastore, et des ouvrages de Jommelli, comme Andromaca. En outre, l'air Se tutti mali miei qui devait la piéger à Dresde est devenu l'un de ses plus beaux succès. Sa popularité est telle que la célèbre actrice et chanteuse Kitty Clive donne une comédie satyrique intitulée Lethe, dans laquelle elle imite le style de la Mingotti, et ses disputes avec le directeur Vaneschi font les délices de la sociétés anglaise. Mingotti prend également la direction de l'opéra italien de Londres vers 1755 à la fuite de Vaneschi, épaulée par Giardini : l'entreprise est malheureuse et elle quitte le pays en 1757. À l'issue du Siroe de Lampugnani (1757) dans lequel Mingotti chante Emira, Vincenzo Martinelli note dans sa correspondance :
Enfin, les airs interprétés par cette autre muse dans cet opéra ne sont pas des airs, ce sont des enchantements, des remèdes propres à faire oublier les pires maux dès la première battue.

En 1764, elle est toutefois encore à Londres, pour une nouvelle version du livret arrangée par Cocchi, avec le castrat Peretti.
La Mingotti se produit également en Italie, parallèlement à toutes ces prestations : après une reprise de L'Olimpiade de Galuppi à Naples en 1748 qui la révèle au public italien (d'après Fétis et Castil-Blaze), elle donne notamment Artaserse du même auteur à Padoue, en 1751, avec Gizziello et Raaff. Elle rejoint également la troupe de son mari à Copenhague, et se voit nommée chanteuse de la cour de Munich entre 1760 et 1767 (Semiramide de Bernasconi en 1765 avec Concialini). Regina Mingotti s'installe donc en Bavière, où Burney la rencontre en 1772 et trouve sa voix encore fraîche, et surtout, le style qui a fait sa renommée intact. Elle se consacre à l'enseignement, et forme notamment Rosa Capranica (Lops), prima donna du King's Theatre où elle accompagne Mingotti en 1791. En 1787, Mingotti habite à Neuburg-am-Donau avec son fils, et termine ses jours là-bas.

Somptueuse, la voix de la Mingotti était agile et étendue, même si ce n'est pas sa virtuosité qui a fait sa renommée. Cela n'empêche pas Paul Scudo, lorsqu'il évoque l'art virtuose de la Catalani, d'en référer à son illustre devancière (La Revue des deux mondes, 1849) :
Elle [Catalani] aimait aussi à piquer la note de plusieurs coups de gosier réitérés, martellement gracieux qui avait été le joyau favori de la Mingotti
L'ambitus de la Mingotti était proche de celui de la Bordoni, et l'on pourrait parler d'un mezzo-soprano, quoique plus étendu. Dans un air écrit pour Ipermetra lors de la reprise dresdoise de 1751, Hasse lui impose une très haute virtuosité sur deux octaves pleines, de sib2 à sib4. Dans l'Ezio qu'elle chante à Londres, la Mingotti insère le redoutable Su la scomposta prora de Solimano, toujours de Hasse.
Ce sont toutefois sa personnalité artistique, l'instinct dramatique unique dont elle faisait preuve et l'intelligence de ses interprétations qui firent sa gloire et l'élevèrent parmi les premières cantatrices du siècle. Très appréciée dans les rôles tragiques, elle chantait régulièrement les personnages travestis, prima donna déguisée en homme (comme Emira, Semiramide) ou héros masculin (Publio d'Attilio Regolo).

Vernon Lee évoque plusieurs fois la légendaire Regina Mingotti dans ses écrits, notamment dans la biographie fictive d'Antonio Vivarelli. Il est regrettable que le répertoire de cette légende reste aussi peu connu.

Le Nozze d'Ercole ed Ebe Ercole C.W. Gluck 1747 Dresde
  Version abrégée, en allemand : J. Vulpius, Berlin chamber orchestra dir. H. Koch – CD Berlin classics 2009 (réédition de 1968)
I Lamenti d'Orfeo Orfeo G. Ristori 1749 Dresde
  L. Bertotti, Les Muffatti dir. P. van Heyghen – retransmission de concert, 2007
Attilio Regolo Publio J.A. Hasse 1750 Dresde
  S. Rubens, La Cappella Sagittariana dir. F. Bernius – retransmission de représentations, Dresde 1997
L'Isola disabitata Costanza G. Bonno 1753 Madrid
  [Version de Naples ?] K. Ek, La Compañía del Príncipe dir. P. Heras-Casado – CD MAA Ediciones 2010
Semiramide riconosciuta Semiramide A. Bernasconi 1765 Munich
> air Ah non è vano il pianto A. Bonitatibus, Accademia degli Astrusi dir. F. Ferri – La Signora regale, CD Deutsche harmonia mundi 2014
Siroe Emira T. Traetta 1767 Munich
> air Che furia, che mostro V. Genaux, Lautten Compagney dir. W. Katschner – Baroque gender stories, CD DHM 2019