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Giulia MASOTTI

ca 1650 – 1701

dite La Dori

Aussi [Vincenza Giulia] [Julia] [Joanna]

Giulia Masotti s'impose comme l'une des prime donne les plus demandées de son temps, auréolée d'une gloire qui fait courir les foules et pâlir les autres chanteurs.
Celle qu'un admirateur nomme la sirène du Tibre est originaire de Rome. C'est là qu'elle se commence en se produisant en privé pour les notables locaux. Il est possible qu'elle croise Cesti, présent à Rome autour de 1660 ; elle pourrait d'ailleurs être la signora Giulia qui participe à L'Orontea de Florence en 1661, après Rome chez les Colonna. Des années 1660 aux début des années 1670, elle se tisse un solide réseau entre Rome et Venise : proche des familles romaines Colonna et Chigi, elle noue des relations commerciales avec des sommités vénitiennes, lui permettant de défendre son statut et d'avoir une réelle influence sur son répertoire, fait rare à l'époque. Masotti chante aussi pour Christine de Suède et la princesse de Savoie.

La Dori CestiMasotti se distingue pour la première fois à Venise en 1662-63 dans La Dori de Cesi, où elle fait tant sensation que le nom de l'héroïne lui colle à la peau. Ses protecteurs, les Colonna, se fixent à Venise la saison suivante, et Masotti bénéficie de leur aide pour négocier avec les Grimani, propriétaires du prestigieux SS. Giovannni e Paolo, et Faustini, fameux imprésario. Les négociations sont âpres, et Masotti refuse d'ailleurs de se produire pour Faustini pour le carnaval 1666. Mais en 1663-64, elle crée La Rosilena de Volpe ainsi que Scipione affricano de Cavalli.
Masotti réussit un tour de force en 1666-67 : faire modifier l'affiche du théâtre SS. Giovanni e Paolo en obtenant la déprogrammation du Meraspe, qu'elle juge médiocre, au profit de son rôle à succès, Dori. Cette saison, elle affronte une autre diva, Antonia Coresi, et la présence des deux sopranos intimide le castrat Cavagna ! Giulia Masotti et Coresi se font aussi admirer dans L'Alciade de Ziani – opéra qui ne plaît guère à la chanteuse. De fait, Masotti et les Colonna soutiennent la diffusion de la musique de Cesti : la soprano parvient à faire représenter Argia à Sienne en 1669, même si elle n'y chante pas. Cette année-là, c'est en effet au San Luca de Venise qu'elle offre son incarnation du rôle.
Entre 1668 et 1673, Giulia est protégée par le cardinal Sigismondo Chigi, qui l'autorise à se produire ailleurs en Italie, comme à Sienne en 1668-69. L'une des belles-sœurs de Chigi se fait écho de l'effet produit par son arrivée :
Hier, la signora Masotti est arrivée chez les Della Ciaia, où nous sommes allés pour une fête donnée le soir même, et en vérité elle chante très bien, avec beaucoup de présence et de facilité, mais à part cela c'est vraiment une fille laide, à moitié vêtue comme un homme. Je suppose que c'est bien pire encore quand elle s'habille en femme. Un grand nombre de dames et de gentilshommes étaient venus l'écouter.
Elle chante encore à Venise entre 1669 et 1671, et donne des opéras de Boretti, dont Domitiano plus tard encore en 1673.

Cette année marque toutefois le départ de Giulia Masotti pour Vienne (en passant par Innsbruck), où elle est engagée comme chanteuse impériale en pleine possession de ses moyens, et vite très appréciée de l'empereur Léopold et son épouse. Elle y chante par exemple Il Ratto delle Sabine de Draghi en 1674, et plus tard dans l'année un ample opéra intitulé Il Fuoco eterno custodito delle vestalli, riche de musique de Draghi, Schmelzer et l'empereur en personne. La présence de Masotti est encore attestée dans Palladio in Roma de Draghi en 1785, avec le castrat Clementino Hader. Les distributions ne sont malheureusement pas souvent documentées à cette époque... Ses talents s'expriment volontiers en concert, souvent avec l'excellent castrat soprano Olivicciani. En 1674, elle chante avec Pancotti, deux ans plus tard on sait qu'elle interprète une pièce de Schmelzer... Giulia enseigne également aux dames de la cour.

L'époux de sa rivale, le ténor Nicola Coresi, la signale comme « La più superba donna che sia al mondo » ; perçue comme fière et présomptueuse, la Masotti monnayait chèrement ses talents, en empochait les cachets les plus importants de l'époque pour une femme. On peut lui attribuer un rôle déterminant dans la hiérarchisation des distributions, puisqu'elle exige que ses contrats vénitiens stipulent qu'elle est prima donna avec plus de textes et d'airs que les autres ! Plus qu'une capricieuse diva, Masotti était une femme soucieuse de préserver ses intérêts, dotée d'une grande connaissance de l'opéra du temps et d'un flair incontestable.
Sa fille Teresia (1682-1711) est également musicienne à la cour viennoise et épouse le compositeur et théorbiste Conti (qui épousera ensuite deux autres divas viennoises !).

L'Orfeo Autonoe A. Sartorio 1672 Venise
  A. Grimm, Teatro lirico dir. S. Stubbs – CD Challenge classics, 1998
La Forza delle stelle Damone A. Stradella 1677 Rome
  N. Tabbush, Mare nostrum dir. A. De Carlo – CD Arcana 2014