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Marianna BULGARELLI-BENTI

1684 – 1734

dite La Romanina

Aussi [Maria Anna] [Marianna Benti] [Bulgari] [Bulgarini]

La RomaninaMarianna Benti voit le jour à Rome, ville où elle fait ses débuts. On l'entend au théâtre du palais royal de Naples en 1709 dans L'Amor generoso de Scarlatti avec le ténor Borghi et Nicolino. Elle se produit les saisons suivantes à Gênes puis Florence, Ferrare et Bologne (avec les castrats Tempesti, Senesino et Berselli).
Elle a déjà trente ans quand sa carrière prend véritablement son envol à Naples lors de la saison 1714-15, notamment dans Arminio et Tigrane d'A. Scarlatti. Elle est alors certainement en pleine possession de ses moyens (Burney la qualifie de deep soprano) et possède une maturité suffisante pour imposer de remarquables talents de tragédienne : la Romanina devient l'une des cantatrices les plus en vue du pays.
Elle se produit à Gênes, Livourne, Reggio et surtout Venise entre 1716 à 1718, et assiste par exemple aux débuts de la Bordoni dans l'Ariodante de Pollarolo. Elle chante également Gasparini, Bononcini, Albinoni... La diva retrouve Naples en 1719 et y conserve la première place jusqu'en 1728, créant d'innombrables opéras de l'école locale : Leo, Sarro, Porpora, Mancini, Feo... Son instinct dramatique et son élégance vocale influent largement la vie musicale locale. Elle épouse un certain Domenico Bulgarelli.

Une rencontre historique a lieu en 1720, quand la soprano chante Angelica e Medoro puis l'année suivante Gli Orti esperidi de Porpora, avec un Farinelli à ses tout débuts ou encore les castrats Pasi et Ossi. Le poète de ces serenate n'est autre que le jeune Pietro Trapassi dit Métastase. La nature de leur relation est difficile à établir, mais le librettiste débutant et la tragédienne en pleine gloire vont collaborer artistiquement et rester très proches. En fréquentant le cercle de la Romanina, Metastasio rencontre les meilleurs compositeurs du moment (Leo, Vinci, Hasse) et se voit encouragé à composer pour l'opéra. Ce coup d'essai sera un chef-d'œuvre, et Didone abbandonata restera à jamais le rôle emblématique de la Bulgarelli.
MetastasioL'opéra est créé en 1724 au San Bartolomeo, avec une musique de Sarro ; la distribution est brillante puisque la contralto Merighi incarne le cruel Iarbas tandis que Nicolino chante Énée. Le rôle titre est quant à lui taillé et retaillé aux mesures précises de la Romanina. La scène finale est unique en son genre, la reine Didon observant Carthage en proie à la destruction, Énée parti, et se préparant à la mort dans la scène et l'air Vado... ma dove?
Le succès est tel que Marianna Bulgarelli part en tournée avec Metastasio et propose le même livret à Venise dès 1725, avec la collaboration d'Albinoni, puis dans la version Porpora à Reggio Emilia. Durant la saison vénitienne 1724-25, la Romanina chante au San Cassiano et ses cachets dépassent ceux de Nicolino, Gizzi, et même ceux des chanteurs de San Giovanni Grisostomo, Calzi, Bordoni et Merighi. La Romanina continue de collaborer avec Metastasio et crée notamment Emira dans Siroe de Vinci, à Venise, puis Siface de Porpora.
Metastasio se fixe à Rome en 1727 où il écrit certains de ses plus célèbres livrets. La Bulgarelli rejoint Rome en 1728. Pour la scène, elle est âgée, et sa carrière commence à décliner, d'autant que de nouvelles étoiles de l'école de chant moderne sont apparues. Le jeune librettiste, quant à lui, est appelé à Vienne au service de l'empereur. Marianna et son époux entament le voyage avec Metastasio, mais pour des raisons inconnues, la chanteuse s'arrête seule en chemin et fait demi-tour.
Elle ne revoit plus jamais son pygmalion (ou est-ce elle qui fut son pygmalion ?) mais continue de correspondre avec lui. Lorsqu'elle décède, en 1734, elle lui cède son immense fortune en héritage, que le poète se sent néanmoins contraint de refuser : à l'époque déjà, il était fort critiqué pour avoir délaissé la chanteuse qui avait lancé sa carrière.

La Romanina reste attachée au rôle de Didon, et marque les esprits comme une grande tragédienne lyrique. L'agilité délirante, les suraigus n'étaient pas son domaine ; la Didon de Sarro est un beau rôle exigeant un chant élégant, incarné et expressif, dans une tessiture plutôt centrale s'illuminant parfois de délicats ornements et de cabrures vers l'aigu. Les airs invitent souvent à une écriture syllabique permettant à l'actrice de déployer toute sa palette d'accents déclamatoires, dans un ton direct qui évite les airs de comparaison. Il n'empêche que la Romanina était capable d'un certain brillant et d'une grande fermeté d'accent, comme l'indique Gli Orti esperidi de Porpora.

Ah che dissi infelice! A qual eccesso
mi trasse il mio furore.
Oh dio cresce l'orrore! Ovunque io miro
mi vien la morte e lo spavento in faccia:
trema la reggia e di cader minaccia.
Selene, Osmida, ah tutti,
tutti cedeste alla mia sorte infida,
non v'è chi mi soccorra o chi m'uccida.

Vado... Ma dove?... Oh dio!
Resto... Ma poi, che fo!
Dunque morir dovrò
senza trovar pietà?

E v'è tanta viltà nel petto mio?
No no. Si mora. E l'infedele Enea
abbia nel mio destino
un augurio funesto al suo cammino.
Precipiti Cartago,
arda la reggia e sia
il cenere di lei la tomba mia.

Pietro Metastasio, Didone abbandonata Acte III scène 22

Il Tigrane Tomiri A. Scarlatti 1715 Naples


S. Geszty, Orchestra and Chorus of RAI, Naples dir. F. Caracciolo – retransmission radio 1970
Ariodante Ginevra C. Pollarolo 1716 Venise
  G. Semenzato, Kammerorchester Basel – Angelica diabolica CD Alpha 2022
Alessandro severo Giulia A. Lotti 1717 Venise
  Version abrégée, partiellement en néérlandais : M. Verbeek, Utrechts Barok Consort dir. J. van Veldhoven – retransmission de concert, Amsterdam, 2003
Arsace Statira D. Sarro 1718 Naples
> air Sorge qual luccioletta In Elpidia (pasticcio, 1725). M. Ostroukhova, Opera settecento dir. L. Duarte – captation de concert, 2016
Rinaldo Armida G.F. Haendel et al. 1718 Naples
  C. Remigio, La Scintilla dir. F. Luisi – CD & DVD Dynamic 2019
Il Bajazet Asteria F. Gasparini 1719 Reggio Emilia
  G. Bridelli, Auser musici dir. C. Ipata – CD Glossa 2015
L'Angelica Angelica N. Porpora 1720 Naples




> air Mentre rendo a te la vità
Version adaptée : B. Haas, Real Compañía Ópera de Cámara dir. J. B. Otero – Orlando, CD K617
E. Bakanova, La Lira di Orfeo dir. F.M. Sardelli – retransmission de représentations, Martina Franca 2021
K. Gauvin, Il Complesso barocco dir. A. Curtis – CD Atma 2009
Gli orti esperidi Venere N. Porpora 1721 Rome


> air Son fra l'onde
Extraits : M.G. Schiavo, Talenti vulcanici dir. S. Demicheli – Captation de concert, Naples 2013
V. Cangemi, Una Stella Ensemble – CD Italia 1600-Argentina 1900, Naïve 2008
Didone abbandonata Didone D. Sarro 1724 Naples


> air Vado, ma dove
> air Non ha ragione ingrato
Version très abrégée et adaptée : U. Bartsch, dir. L. Remy – retransmission de concert 2005
S. Im, Teatro del mondo dir. A. Küppers – Didone abbandonata, CD CPO 2020
G. Bridelli, Concerto de' Cavalieri dir. M. Di Lisa – captation du concert Una Musa per Metastasio, Naples 2013
Siroe, re di Persia Emira L. Vinci 1725 Venise
> air Benche s'asconda G. Bridelli, Concerto de' Cavalieri dir. M. Di Lisa – captation du concert Una Musa per Metastasio, Naples 2013
Siroe, re di Persia Emira L. Vinci 1726 Venise
  R. Invernizzi, Orchestre du San Carlo dir. A. Florio – CD Dynamic 2019