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Elizabeth BILLINGTON

1765 – 1818

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Elizabeth BillingtonElizabeth naît à Londres d’une mère chanteuse et d’un père hautboïste. Ainsi placée très tôt dans l’univers musical, elle épouse même en secret son professeur de chant Thomas Billington à l’âge de quinze ans. Ses débuts à l'opéra ont lieu à Dublin dans une adaptation de l’Orfeo, mais c’est dans le rôle de Rosetta du très aimé Love in a village assemblé par Arne qu’elle remporte un succès foudroyant à Londres en 1786, ce qui  lui octroie d’emblée le statut de vedette. Ses prestations suivantes la font plus apprécier encore de ses compatriotes, que ce soit Clara dans The Duenna de Shield, Rosina du même, ou Polly du fameux Beggar’s opera. Suite à ces reprises brillantes d'œuvres chères aux Britanniques, elle poursuit dans le répertoire national et crée de nouvelles œuvres de Shield et autres musiciens nationaux. Elle se produit aussi dans les œuvres de Haendel, régulièrement redonnées en concert.
Parallèlement, la Billington parachève son éducation musicale avec les musiciens installés à Londres, Mortellari et Sacchini. Burney dit alors d’elle « nothing but envy or apathy can hear her without delight », et loue son intonation précise, la brillance et le goût de son ornement, et sa tessiture fort élevée – elle avait même tendance à octavier vers l’aigu les passages incommodants de ses rôles, car son grave était nettement plus faible. Déchéance de l’art belcantiste, elle faisait également partie de ces cantatrices incapables d’improviser les ornements, écrits à l’avance. La Billington est l'étoile des Professional Concerts donnés à Londres, mais la publication de prétendues mémoires au ton grossier fait scandale, et elle quitte la Grande-Bretagne en 1794 avec son époux.

Auréolée de sa gloire nationale, la Billington se lance dans une tournée italienne triomphale (via l'Allemagne). On l'engage au San Carlo de Naples en 1794 pour Ines de Castro de Bianchi. Entre Florence, Mila, Venise et Trieste, la diva crée des œuvres de Paër, Bianchi, Paisiello, Nasolini... Citons par exemple Merope de Nasolini à Venise avec le ténor Lazzarini et Gli Sciti de Nicolini à la Scala avec le ténor Braham en 1799 (son grand rival à la scène, tout comme la Mara à Londres). Elle chante aussi devant Napoléon et ses troupes à Bologne, et enchante Joséphine de Beauharnais à Milan. C'est par son truchement qu'elle rencontre son second mari, un certain Français nommé Félissent, qui la maltraite terriblement : elle le quitte et retourne au Royaume-Uni.

De retour à Londres, Elizabeth partage ses activités entre Covent Garden et Drury Lane, et retrouve le public dans le rôle de Mandane du fameux Artaxerxes de Arne, trésor national, en 1801. La Banti et la Mara, avec lesquelles elle chante, quittent opportunément Londres après la saison de 1802. La Billington règne donc seule et ne néglige pas le King’s theatre où l’on donne l’opéra italien ; elle y reprend La Clemenza di Scipione de J. C. Bach, puis en 1806 Vitellia dans La Clemenza di Tito de Mozart – avec pour partenaire le ténor Braham en Sesto ! Mais on lui adjoint tout de même une rivale, la somptueuse contralto Grassini, en 1804. Les deux prime donne (!) brillent séparément mais participent ensemble à Il ratto di Proserpina de Winter. Le livret est de Da Ponte, qui décrit Billington comme une excellente artiste. On dit que le style pathétique de la séduisante Grassini lui vaut pourtant une courte victoire. En outre, loin du charme gracile de ses débuts, la Billington présente alors un tour de taille généreux, cible d'innombrables caricatures (ci-dessous), qui témoignent en même temps de sa célébrité. Ses apparitions sont plus rares, et se limitent aux concerts (avec John Braham souvent, ou même la Storace en 1808), dont le dernier date de 1814.

La BillingtonM. Kelly, dans ses facétieux écrits, est assez moqueur vis-à-vis de cette chanteuse par ailleurs très douce et très aimée, et raconte par le menu les rivalités de la Billington, notamment lors de sa confrontation avec Grassini. Moins cocasse, il décrit la terreur de la Billington face à la violence de son second époux. Malheusement, après son retrait des scènes, la soprano décide malgré tout de s'installer avec son mari en Italie, à Venise, avec toutes les richesses accumulées lors de sa carrière incroyable. Il semble qu’elle meure des mauvais traitements qu’il lui inflige en 1818.

En 1830, The Harmonicon dresse le bilan des talents et limites de l'artiste : piètre actrice, incapable de rendre les émotions violentes, voix à l'étendue raisonnable (le journaliste précise : dix-sept notes réelle, soit déjà deux octaves) mais très aiguë. Sa rapidité et facilité d'exécution des vocalises étaient proprement ahurissante, mais elle en parsemait son chant avec goût – sans doute davantage que la Catalani. De fait, voix pure, chant instrumental et registre dramatique limité en faisait l'exact opposée de la Grassini.
Haydn, qui par ailleurs l’admire énormément, lui aurait fait indirectement un compliment rare, face au portrait de la chanteuse représentée sous les traits de Sainte Cécile :
au peintre :
— Mais vous avez fait une grave erreur !
— Comment cela ? Pourquoi ?
— Vous avez représenté Mlle Billington écoutant les anges ; vous auriez dû représenter les anges en train d’écouter Mlle Billington.

Pieta di me Premier soprano J. Haydn 1791 ? Londres ?
Trio de concert ? Enregistrement au choix
Ines de Castro Ines F. Bianchi 1794 Naples
> scène La Preghiera D. Riedel, Arcadia Lane Orchestra dir. R. Bonynge – Cherry Ripe, CD Melba 2008
Il Ratto di Proserpina Cerere P. von Winter 1804 Londres
> trio Mi lasci, o madre amata E. Harry, Philharmonia Orchestra dir. D. Parry – One hundred years of Italian opera 1800-1810, CD Opera Rara