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Anna Girò

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dite L'Annina

Aussi [Giraud] [L'Annina del prete rosso]

Anna Giraud est le fille d'un perruquier français installé à Mantoue ; son nom est orthographié à l'italienne ou à la française. C'est donc à Mantoue où Vivaldi est établi de 1718 à 1720, qu'elle rencontre le fameux prêtre roux, compositeur et impresario. La jeune fille et le Vénitien se lient ; il lui donne des leçons qui se poursuivent ensuite dans la Sérénissime, dans le cadre du fameux Ospedale della pietà – qui vaudra sans doute le qualificatif d'Annina della Pietà parfois accordé à Girò.

L'Oracolo in MesseniaLa chanteuse paraît tout d'abord à Trévise, dans un pasticcio daté de 1723 et intitulé La Ninfa infelice e fortunata, mais c'est ensuite à Venise qu'elle se produit et glane ses premiers succès, dans une Laodice d'Albinoni. Son nom est sur toutes les lèvres, et déjà les rumeurs vont bon train quant à sa relation avec Vivaldi, homme d'Église. Dans les années qui suivent, celui-ci associe la chanteuse à toutes ses productions d'opéra. Le style énergique et le talent dramatique de la Girò, qui n'a rien d'une virtuose exceptionnelle, servent à merveille le style vivaldien. La contralto enchaîne les premiers rôles féminins pour lui et après Eudamia dans Dorilla in Tempe, crée en 1727 la noble Tamiri dans Farnace – son cheval de bataille, repris maintes fois avec des variantes –, l'enchanteresse Alcina dans le célèbre Orlando furioso et la trouble Emira dans Siroe à Reggio Emilia ; Pulcheria dans L'Atenaide de 1728 à Florence ; la fière reine Semiramide à Mantoue en 1732 ; une autre souveraine, Mitrane, dans Motezuma en 1733 ; en 1735, Asteria dans le pasticcio Bajazet ainsi que Griselda à Venise, et L'Adelaide à Vérone ; Marzia dans Catone un Utica à Vérone en 1735 ; Merope dans L'Oracolo in Messenia (ci-contre) et le rôle titre du pasticcio Rosmira fedele en 1738.

Anna Girò est donc une prima donna renommée à Venise et plus généralement dans tout le nord de l'Italie. Particulièrement liée à Vivaldi, qu'elle accompagne dans ses déplacements – il soutient qu'elle est l'une des seules à pouvoir lui fournir les soins dont il a besoin –, la cantatrice prête ses talents à d'autres auteurs, notamment Galuppi et Hasse, dont les opéras commencent à remporter tous les suffrages. Signe de sa reconnaissance, en 1730 elle incarne Onoria (certes seconda donna) dans l'Ezio de Riccardo Broschi, dans lequel chante le frère du compositeur, le grand Farinelli.
À Venise, elle est également présente dans Medea e Giasone de Brusa, Gli Odii delusi dal sangue de Pescetti et Galuppi en 1728, dans un rôle travesti, Edita dans la Dalisa de Hasse, où elle retrouve la brillante Bordoni (1730)... Ses incursions avec les compositeurs de l'école napolitaine restent toutefois marginales, et si Vivaldi impresario est contraint de monter les opéras à succès de Hasse, il ne se prive pas de les aménager, comme Demetrio, donné à Ferrare avec l'Annina.
Pour la saison 1739-40, la chanteuse s'aventure jusqu'à Graz ; on ignore si Vivaldi est du voyage. La mauvaise réputation du couple supposé commence à entraver les affaires du compositeur-impresario, dont les opéras peinent à séduire, malgré l'évolution de son style, face à la déferlante du genre galant des Napolitains. Vivaldi meurt en 1741.

En 1743, Girò incarne Fulvia dans Ezio de Lampugnani ; à Milan, elle donne Mamma Ciana de Latilla en 1745, et on retrouve sa trace dans le rôle titre d'Achille in Sciro de Runcher, donné au San Samuele en 1747. L'année suivante, après une dernière prestation à Plaisance pour le carnaval, elle épouse le comte Zanardi Landi et se retire de la scène.

La carrière de la Girò est indissociable de la musique et de la personnalité de Vivaldi. Les témoignages divergent sur ses talents vocaux, sans doute plus modestes que ceux des cantatrices et castrats d'école moderne, rompus à une virtuosité ahurissante et escaladant les aigus effrontément. La Girò incarne sans doute la tragédienne chanteuse issue du XVIIe siècle, avec peut-être un jeu plus dans le goût de l'époque. Ses contempteurs cherchaient indéniablement à remettre en cause les talents d'une chanteuse dont la moralité était débattue... Vivaldi déclare, à la fin des années 1730 « Monter l'opéra sans la Girò n'est pas possible, car on ne peut trouver pareille prima donna. » De même, l'abbé Conti rapporte que Girò « fait des merveilles, quoique sa voix ne soit pas des plus belles. »
Autre figure vénitienne de marque, Carlo Goldoni évoque la chanteuse et Vivaldi dans ses mémoires. Selon lui, « elle n'avait pas une belle voix, ce n'était pas une grande musicienne, mais elle était jolie et avenante ; elle jouait bien (chose rare pour l'époque) et avait des protecteurs : il ne faut rien de plus pour mériter le rôle de prima donna ». C'est à Goldoni que Vivaldi fait appel pour adapter le rôle de Griselda au tempérament dramatique de la Girò. Drôle d'idée en effet de confier le rôle d'une épouse soumise, souffrant en silence les cruautés de son mari, à l'explosive cantatrice peut douée pour l'adagio et la plainte.
Les rôles confiés à Anna Girò flattent donc ses qualités : chant expressif, confiné dans une tessiture assez grave et peu étendue, requérant une virtuosité raisonnable. Les airs animés sont nombreux, dans un style parlante propre à servir la déclamation de la tragédienne (Svena, uccidi, abbatti, atterra de Bajazet). Les airs gracieux et délicats ne sont cependant pas absents (Cosi potessi anch'io d'Alcina), tout comme une certaine agilité (Alza in quegli occhi du même opéra) ; de manière générale, ces rôles exigent un charisme qui n'est pas à la portée de toutes les interprètes.

Orlando furioso Alcina A. VIvaldi 1727 Venise

Enregistrement au choix
L'Atenaide Pulcheria A. Vivaldi 1728 Florence
  Version révisée de 1730 : G. Laurens, Modo antiquo dir. F. M. Sardelli – CD Naïve
Farnace [4] Tamiri A. Vivaldi 1731 Pavie
  S. Mingardo, Le Concert des nations dir. J. Savall – CD Naïve
Motezuma Mitrane A. Vivaldi 1733 Venise
  Version partiellement reconstituée : M. Mijanović, Complesso barocco dir. A. Curtis – CD Archiv Produktion
Dorilla in Tempe [2] Eudamia A. Vivaldi et al. 1726 Venise
  S. Prina, I Barrocchisti dir. D. Fasolis – CD Naïve 2017
Griselda Griselda A. Vivaldi 1735 Venise
  Enregistrement au choix
Il Tamerlano [Bajazet] Asteria A. Vivaldi et al. 1735 Vérone
  Enregistrement au choix
Catone in Utica Marzia A. Vivaldi 1737 Vérone
  Enregistrement au choix, versions arrangées à partir d'un manuscrit incomplet
Rosmira fedele Rosmira A. Vivaldi et al. 1738 Venise
  M. Pizzolato, ensemble baroque de Nice dir. G. Bezzina – CD Dynamic 2003
Farnace [8] Tamiri A. Vivaldi 1738 Ferrare
  Version reconstituée : R. Donose, I Barrochisti dir. D. Fasolis – CD Virgin classics 2011
Récital hommage Divers A. VIvaldi    
  M.-N. Lemieux, ensemble Mattheus dir. J.-C. Spinosi – Scènes dramatiques pour la Girò, retransmission de concert, Paris